Boire pour oublier... mais toujours souffrir [PV Perséphone]

Marc de Boisnoir, n'avait plus rien du fringant officier qu'il était le jour. Pouvait-on dire son grade vu l'état dans lequel il se trouvait. Son uniforme chamarré avait été remplacé par un simple surtout bleu. Ses épaulettes pendaient piteusement sur ses épaules. Boisnoir d'habitude si caustique, si narquois et cruel n'était plus que l'ombre de lui-même. Où était passé le comte, l'officier, le chevalier, le héros de la Marine royale française? Disparu. Certes ce n'était pas dans les habitudes de l'officier de se laisser aller ainsi à la boisson. Pourtant malgré les verres qu'il avait vidé, les bouteilles qui s'empilaient devant lui et ses officiers ce n'était pas l'alcool qui l'avait réduit à cet état de loque.

Boisnoir restait assis vidant verre sur verre, fumant cigarillo sur cigarillo. Cognac, porto, madère et même rhum, tout y était passé. Il avait fait un savoureux repas mais cela ne l'avait pas calmé. Ses officiers chantaient heureux d'être là. Ce petit estaminet rupin des quais de Port Royal était un lieu de rendez-vous pour tous les officiers des vaisseaux en rade. Mais malgré leur jovialité, Boisnoir songeait. Il songeait à cette femme qu'il avait aimé, c'était des années auparavant. Une éternité selon lui. Elle était belle, douce, aimable mais avec un fort caractère. Elle était pourtant si généreuse et altruiste. Aujourd'hui aurait été le jour de son anniversaire. elle aurait eu... peu importe. Elle aurait pu vivre, s'il ne l'avait pas forcé à le suivre dans cette ville maudite. Il savait au fond de lui qu'il l'avait tué, même s'il ne l'avait jamais touché. Le jour où il lui avait ravi sa liberté, il l'avait condamné.

D'habitude, il noyait cette mélancolie dans l'alcool, la haine et la guerre voire quand il se trouvait à Versailles, le libertinage et le sexe. Mais ici, dans cette ville étrangère et insalubre, c'était différent. Il se sentait piégé. Mais plus qu'une simple compensation, ces longs mois de mers avait aiguisé son appétit et particulièrement celui du bas-ventre. Il était encore perdu dans ses pensées quand il se leva, se resservit un verre et le sirota. Il regarda sa perruque posée sur la table. Il se sentait mieux sans elle, ses cheveux courts chatâins et épargnés par l'âge étaient une de ses fiertés. Il leva les yeux et fut soudain saisi par la beauté d'une jeune femme.

Interloqué il ne sut se contenir. Retrouva une partie de son assurance et se dirigea vers elle:

-Bonsoir mademoiselle! Cela n'est guère un endroit pour une jeune femme. Surtout lorsqu'elle a votre beauté.

Invité

Perséphone s'était installée à une des coquettes tables d'une des tavernes de Port Royal . Rien à voir avec les vieilles épaves grinçantes de Tortuga ! La gente masculine y était tout aussi grotesque que dans la vieille île pirate quoique un peu moins violente que chez les forbans qui se querellaient pour une bouteille de rhum brisée ou pour la concubine du voisin . Elle avait accosté au port quelques jours auparavant sur un navire marchand qui comportait essentiellement du poisson à l'odeur douteuse et des fruits exotiques . Ce qui l'avait conduit à Port Royal, elle-même n'en savait rien . Un besoin de changer d'air, sans doute ? Sûrement . Et l'occasion de voir comment allait cette petite ville, aussi .

Mais en vérité, elle voulait oublier sa défaite contre un autre navire pirate, mieux armé que le sien, comprenant le double de matelots qui , après les avoir humilié et tué un grand nombre des hommes du capitaine Rodriguez, les avaient lâchement abandonnés sur les barques de la Gitana , qui ramenait d'Espagne et du Portugal des coffres emplis des vestiges recueillis aux Amériques quelques siècles plus tôt .

La jeune femme soupira tristement et vida cul sec son verre de rhum avant d'en reprendre un autre . La serveuse lui avait laissé la bouteille , elle en avait bien besoin, d'ailleurs ! Persy regarda les gens s'amuser autour d'elle . Quelle chance ! elle n'arrivait même plus à sourire en ce moment , elle qui était si rieuse autrefois ! Elle caressa son perroquet et seul ami, Zack, qu'elle avait trouvé à San Salvador dix ans plus tôt . Elle avait quinze ans à cette époque. Période d'insouciance et de ses plus belles aventures sur l'Andromède, l'ancien bâtiment de son père, Alejandro . Autre souvenir douloureux … maudit Davy Jones, cette fois-ci .

Perséphone secoua la tête pour en évacuer toute la souffrance qui la tiraillait méchamment . Zack battit de ses ailes vertes et lui mordit l'oreille pour la réconforter . Perséphone sourit faiblement et repris un verre de rhum . C'est alors qu'elle remarqua qu'un homme l'observait depuis une table à proximité de la sienne . Plutôt séduisant ! Elle rougit un peu et baissa les yeux sur son verre . Soudain, l'homme se leva, se dirigea vers elle et lui adressa la parole :

-Bonsoir mademoiselle! Cela n'est guère un endroit pour une jeune femme. Surtout lorsqu'elle a votre beauté.
Perséphone releva la tête, surprise par la voix douce et grave de l'inconnu . Elle lui lança un sourire timide et répondit :

-Et je ne pense pas non plus que cet endroit soit convenable à un homme tenant des propos aussi distingués .

Puis elle ajouta :

- Je m'appelle Perséphone Rodriguez . Vous pouvez vous asseoir si vous le désirez … Je n'ai rien contre de la bonne compagnie …

Les propos de la jeune femme, Perséphone car tel était son prénom, troublèrent Boisnoir au point de le dégriser un peu. Il la regarda dans les yeux et nota à quel point son regard semblait sincère. Du coin de l'oeil, les officiers les moins saouls l'observaient pour s'assurer que l'on n'attenta pas à sa vie. Ils étaient prêt à intervenir, connaissant le goût de leur amiral pour les belles femmes et surtout lorsqu'elles semblaient dangereuses et pleines de caractères. L'officier français leur fit un discret signe de rester à leur place. Il avala d'un trait son verre, il reconnut la boisson pour être du rhum, chose qu'il n'appréciait guère d'habitude. Rhum, porto, cognac, vin... Il avait bu beaucoup trop et beaucoup trop de boissons. Il se sentait capable de parler, il ne prêtait pas attention au léger tournoiement des objets autour de lui, il y était habitué et savait que cela allait passer. Aprés tout pour quelqu'un qui avait résité au mal de mer en contrôlant avec virilité son estomac lors des pires tempêtes, l'alcool n'était plus trés dangereux. Il se dit curieusement que son uniforme n'avait pas attiré l'attention de la jeune femme et décida de se présenter dans les régles.

-Je me nomme Marc de Boisnoir, lieutenant-général des armées navales . Je commande la flotte du Roy aux Caraïbes.

Il lui saisit la main et y déposa un léger baise-main, raffiné et délicat. Tout en subtilité. Puis il fit une élégante révérence, se penchant bien bas prenant garde de ne pas aller rop vite. Avec l'alcool qu'il avait ingurgité, chaque mouvement brusque pouvait tourner à la catastrophe.

-Croyez bien que je suis charmé et enchanté ma chère.

Il accepta le banc qu'elle lui désignait. Et s'assit en face d'elle.

-Il est rare de voir une femme aussi belle dans cette contrée du Monde. Mais plus encore dans un pareil endroit comme je vous le disais... Puis-je savoir ce qui vous y a amené...

» Encore et toujours devant le Pearl ...
» GRAND BAL(OUVERT A TOUS)(MAIS PAS DE ENLEVEMENT NI OTAGE)
» Un membre de plus pour la loi